MARDI 13 AOÛT 2024
MEMOIRE DE SAINTE RADEGONDE, REINE DE FRANCE, FONDATRICE DU MONASTERE DE LA SAINTE CROIX PRES DE POITIERS
Sainte Radegonde, prie pour nous et protège la France
Lettre de Sainte Radegonde aux Evêques
A tous les évêques, nos saints seigneurs et pères dans le Christ, très dignes de leur siège apostolique, Radegonde pécheresse.
Un projet raisonnable obtient dès son origine un effet durable, si son objet est révélé aux oreilles de l'ensemble des pères et recommandé a leur bon sens, car la part qu'ils y prendront pourra procurer des conseils charitables, une aide puissante et l'intervention divine due à la prière.
Ainsi donc, de même que Je me suis détachée jadis de liens de la vie laïque pour me tourner volontairement, avec la protection de Dieu et sous l'inspiration de Sa divine clémence, vers la vie religieuse en prenant le Christ comme guide, J'ai songé aussi, dans un élan spirituel de sympathie,au bien des autres; pour que mes désirs de servir les autres réussissent j’ai établi, avec l'assentiment du Seigneur, dans la ville de Poitiers, un monastère de filles que l'excellent seigneur-roi Clotaire a institué et exempté, et quand il a été fondé je l’ai doté avec tout ce que la générosité royale m'avait offert, en rédigeant un acte de donation. En outre, j’ai adopté pour la communauté réunie par moi, avec l'aide de Dieu, la règle sous laquelle sainte Césarie a vécu et que la sollicitude du bienheureux Césaire, évêque d'Arles, a composée harmonieusement a l'aide des instructions des saints pères.
Avec le consentement des bienheureux pontifes de cette cité ainsi que des autres évêques et à la suite d'une élection faite par notre communauté, j’ai institué comme abbesse ma dame et soeur Agnès que depuis son Jeune âge j’ai affectionnée et élevée comme une fille et je me suis engagée a obéir à ses ordres après Dieu, conformément à la règle. Puis selon la prescription apostolique, moi ainsi que nos soeurs, nous lui avons remis, après avoir rédigé des chartes, les biens terrestres que nous possédions, car redoutant le sort d'Ananie et de Saphire, nous ne gardons rien en propre une fois entrées dans le monastère.
Mais comme les heures et les conjectures de la destinée humaine sont incertaines, car le monde court vers sa fin, et comme certains désirent servir leur propre volonté plus que celle de Dieu, poussée par un zèle divin, je présente dévotement à la bienfaisance de votre apostolat, au nom de Dieu, cet acte, écrit sous mon inspiration pendant que Je suis encore en cette vie. Et puisque Je ne pouvais être présente, c'est par l'intermédiaire d'une lettre que Je me prosterne devant vous comme si Je me jetais a vos pieds en vous conjurant par le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
Voici ce que je demande : si par hasard après mon décès une personne quelconque, soit un pontife de ce lieu, soit un magistrat du prince, soit quelqu'un d'autre, tentait de troubler la communauté par une excitation malveillante ou une poursuite Judiciaire, ou bien d'enfreindre la règle, ou d'instituer une abbesse autre que ma sœur Agnès, que la bénédiction du bienheureux Germain de Paris a consacrée en présence de ses frères, ou bien si la communauté elle-même prétendait la changer à la suite de murmures, ou si quelque personne, même un pontife du lieu voulait s'arroger par un nouveau privilège des pouvoirs sur le monastère ou ses biens en dehors de ceux que les évènements précédents ont eus de mon vivant, que ces coupables encourent la sanction de Dieu, pour satisfaire à ma supplication et à la volonté du Christ, en sorte qu'ils soient privés de vos bonnes grâces au titre de brigands et de spoliateurs des pauvres et que grâce à votre résistance rien dans notre règle ni dans le patrimoine du monastère ne puisse être diminué ni changé. Lorsque Dieu aura voulu que la susdite dame notre soeur Agnès quitte ce monde, que l'on désigne a sa place,comme abbesse de notre communauté, celle oui sera agréée par Dieu et par la communauté elle-même, et cette abbesse, gardienne de la règle, ne devra rien relâcher des saintes prescriptions, ni rien ruiner par sa volonté ou celle de qui que ce soit. Si, ce qu'à Dieu ne plaise, quelqu'un voulait se dresser contre lo volonté de Dieu et l'autorité des rois à propos des dispositions ci-dessus écrites, qui vous ont été instamment recommandées devant le Seigneur et ses saints, il devra encourir le jugement de Dieu, de la sainte Croix et de la bienheureuse Marie et il trouvera pour le contredire et le poursuivre les bienheureux confesseurs saint Hilaire et saint Martin eux-mêmes, à qui J'ai confié après Dieu le soin de défendre mes soeurs. Que cette supplique que J'ai souscrite de ma main soit conservée dans les archives de l'Eglise universelle, c'est une chose que j'implore avec les larmes dans les yeux et, si la nécessité d'agir contre des méchants l’exige, que votre miséricorde, pieuse consolatrice, procure l'assistance de votre sollicitude pastorale lorsque ma soeur l'abbesse Agnès et sa communauté demanderont que vous veniez à leur secours, pour les défendre et pour qu'elles ne protestent pas qu'elles ont été abandonnées par moi, elles à qui Dieu a réservé la protection de votre grâce. Je vous remets devant les yeux toutes ces choses au nom de Celui qui du haut de la croix a confié la glorieuse Vierge, Sa mère, au bienheureux apôtre Jean, ainsi, comme le mandat du Seigneur a été accompli par ce dernier, il en soit de même pour celui que moi, indigne et humble, Je vous confie, à vous mes seigneurs, Pères de l'Eglise et hommes apostoliques , en conservant dignement ce dépôt vous participerez au salaire de Celui dont vous remplissez le mandat et vous ferez revivre dignement l'exemple du saint apôtre.
Nativité de Notre Seigneur Dieu et Sauveur Jésus-Christ
25 Décembre 2023
(Mt I : 18-25 / Lc II : 1-20 / Mt II : 1-12 )
Au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit,
« Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre, bienveillance parmi les hommes ! »
C'est par ces mots qu' « une multitude de l'armée céleste » (Lc 2:13), une multitude d'anges glorifie la naissance du Christ Seigneur. Vision céleste dont furent jugé digne les bergers des environs de Bethléem la nuit de la Nativité (cf. Lc 2:8-20).
C'est également par ces mots qu'aujourd'hui encore commencent chaque Divine Liturgie, et que le prêtre prononce par deux fois juste après l'invocation de l'Esprit Saint (la prière Roi Céleste). Cette phrase d'apparence simple, cette glorification révélée aux hommes par des anges contient un sens profond.
Elle nous révèle ce que le Christ propose au monde, ce que le Seigneur offre aux hommes. Je dis bien propose et offre et non pas impose ou établi. Car l'homme reste libre d'accepter ce don. Libre d'accepter le Salut divin et libre de le refuser. Tout comme Adam avait choisit librement l'orgueil et la désobéissance, le Seigneur Christ venu rénover l'humanité déchu comme un Nouvel Adam, se fait humble et obéissant, et Il propose aux hommes le Salut préparé dès la fondation du monde (cf. Mt 25:34 ; Ep 1:4). Car par le péché d'Adam la mort est entré dans le monde (cf. Ro 5:12) et par là même l'inimité entre les hommes. Ainsi les fils d'Adam ne tardèrent pas à commettre le premier homicide, le premier fratricide, lorsque Caïn tua Abel le juste. Ainsi le Nouvel Adam, le Christ Seigneur, propose à ses enfants « la paix sur la terre et la bienveillance parmi les hommes ». Il offre à ceux qui souhaitent devenir enfant de Dieu, de retrouver l'état perdu par notre lointain ancêtre et ainsi de rompre la tyrannie du péché.
C'est bien cela que l'ange avait annoncé à Joseph lorsqu'il lui apparut en disant : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre avec toi Marie, ta femme, car l'enfant qu'elle a conçu vient du Saint-Esprit; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus; c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »(Mt 1:20-21)
Le fils de David, le Messie d'Israël, notre Christ annoncé par les prophètes, n'est pas venu pour établir un royaume terrestre, pour imposer sa dominations aux nations et lever un tribut. Non, il vient sauver le peuple de la terre de ses péchés. Il vient libérer les fils d'Adam des liens du péché. Il vient renouveler sa création et lui proposer le retour vers l'Eden, la Jérusalem céleste, le Royaume des cieux.
Le prophète Isaïe avait annoncé que son nom serait « Emmanuel, ce qui signifie Dieu avec nous » (Is 7:14 ; Mt 1:23). Car seul Dieu peut pardonner les péchés (cf. Mc 2:7), seul Dieu pouvait guérir l'homme du fruit de la désobéissance (cf. Gn 3). Aussi l'un de la Divinité Unique en Trois personnes, le Verbe de Dieu, le Fils Unique engendré du Père, de toute éternité Dieu à l'égal du Père et de l'Esprit, descendit dans le sein de la Vierge sainte, se fit homme et fut appelé du nom de Jésus, ce qui signifie Dieu sauve.
Quelle est glorieuse et merveilleuse cette Nativité à Bethléem ! Il y aurait tant à dire si l'on voulait parler de l'étoile et des mages, des anges et des bergers, de la grotte et de la crèche, de la virginité de la Vierge pure, ou encore des parallèles avec la genèse de l'homme, ou avec la Passion salvatrice du Sauveur.
Mais cette nuit où le Christ Dieu naît parmi les hommes, où le Créateur de l'univers se montre à nos yeux sous la forme de la créature (cf. Ph 2:7) ; cette nuit est en quelque sorte le fondement de notre foi.
Car nous croyons que Celui qui en ce jour est né dans une humble grotte utilisé comme étable, dans la petite ville Bethléem en Judée, est bien le Christ Sauveur annoncé par les prophètes, que « Celui qui est descendu, » « qui s'est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes; et ayant paru comme un simple homme, »« est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux, afin de remplir toutes choses. » (Ep 4:10 et Ph 2:7) écrit St Paul.
Et « Quiconque croit que Jésus est le Christ, est né de Dieu. » et « tout ce qui est né de Dieu triomphe du monde; et la victoire qui triomphe du monde, c'est notre foi. » (I Jn 5:1, 4-5) écrit l'apôtre Jean.
Aussi bien aimé, frères et sœurs en Christ, comme disait St Paul : « Examinez-vous vous mêmes, pour savoir si vous êtes dans la foi; éprouvez-vous vous-mêmes. Ne reconnaissez-vous pas que Jésus-Christ est en vous? » (II Co 13:5).
Attachons nous donc à faire croître le Christ qui est né en nous (cf Ga:19) par la foi que nous avons en Lui. Car « Si quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature. » (II Co 5:17)
Cette créature renouvelée par la foi et le baptême, le Seigneur repose dans son cœur comme dans une crèche. Et pour croître en nous il a besoin d'être nourri par nos bonnes œuvres, par notre foi, par notre amour rempli d'action de grâce envers Dieu et envers notre prochain. Ainsi s’accomplit donc la prophétique glorification angélique : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre, bienveillance parmi les hommes ! »
Christ est né ! Glorifions-Le !
AMEN !
***
Je vous souhaite une sainte fête de la Nativité, dans la joie et la paix du Christ.
Nous nous retrouverons samedi 6 et Dimanche 7 Janvier pour les Vigiles et la Divine Liturgie de la fête de Théophanie (Baptême du Christ), avec la grandes bénédiction des eaux.
Il y aura des agapes.
Que la bénédiction de Dieu et sa miséricorde soit sur vous !
P. Nicolas
Nativité de Notre Seigneur Dieu et Sauveur Jésus-Christ
25 Décembre 2023
(Mt I : 18-25 / Lc II : 1-20 / Mt II : 1-12 )
Au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit,
« Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre, bienveillance parmi les hommes ! »
C'est par ces mots qu' « une multitude de l'armée céleste » (Lc 2:13), une multitude d'anges glorifie la naissance du Christ Seigneur. Vision céleste dont furent jugé digne les bergers des environs de Bethléem la nuit de la Nativité (cf. Lc 2:8-20).
C'est également par ces mots qu'aujourd'hui encore commencent chaque Divine Liturgie, et que le prêtre prononce par deux fois juste après l'invocation de l'Esprit Saint (la prière Roi Céleste). Cette phrase d'apparence simple, cette glorification révélée aux hommes par des anges contient un sens profond.
Elle nous révèle ce que le Christ propose au monde, ce que le Seigneur offre aux hommes. Je dis bien propose et offre et non pas impose ou établi. Car l'homme reste libre d'accepter ce don. Libre d'accepter le Salut divin et libre de le refuser. Tout comme Adam avait choisit librement l'orgueil et la désobéissance, le Seigneur Christ venu rénover l'humanité déchu comme un Nouvel Adam, se fait humble et obéissant, et Il propose aux hommes le Salut préparé dès la fondation du monde (cf. Mt 25:34 ; Ep 1:4). Car par le péché d'Adam la mort est entré dans le monde (cf. Ro 5:12) et par là même l'inimité entre les hommes. Ainsi les fils d'Adam ne tardèrent pas à commettre le premier homicide, le premier fratricide, lorsque Caïn tua Abel le juste. Ainsi le Nouvel Adam, le Christ Seigneur, propose à ses enfants « la paix sur la terre et la bienveillance parmi les hommes ». Il offre à ceux qui souhaitent devenir enfant de Dieu, de retrouver l'état perdu par notre lointain ancêtre et ainsi de rompre la tyrannie du péché.
C'est bien cela que l'ange avait annoncé à Joseph lorsqu'il lui apparut en disant : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre avec toi Marie, ta femme, car l'enfant qu'elle a conçu vient du Saint-Esprit; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus; c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »(Mt 1:20-21)
Le fils de David, le Messie d'Israël, notre Christ annoncé par les prophètes, n'est pas venu pour établir un royaume terrestre, pour imposer sa dominations aux nations et lever un tribut. Non, il vient sauver le peuple de la terre de ses péchés. Il vient libérer les fils d'Adam des liens du péché. Il vient renouveler sa création et lui proposer le retour vers l'Eden, la Jérusalem céleste, le Royaume des cieux.
Le prophète Isaïe avait annoncé que son nom serait « Emmanuel, ce qui signifie Dieu avec nous » (Is 7:14 ; Mt 1:23). Car seul Dieu peut pardonner les péchés (cf. Mc 2:7), seul Dieu pouvait guérir l'homme du fruit de la désobéissance (cf. Gn 3). Aussi l'un de la Divinité Unique en Trois personnes, le Verbe de Dieu, le Fils Unique engendré du Père, de toute éternité Dieu à l'égal du Père et de l'Esprit, descendit dans le sein de la Vierge sainte, se fit homme et fut appelé du nom de Jésus, ce qui signifie Dieu sauve.
Quelle est glorieuse et merveilleuse cette Nativité à Bethléem ! Il y aurait tant à dire si l'on voulait parler de l'étoile et des mages, des anges et des bergers, de la grotte et de la crèche, de la virginité de la Vierge pure, ou encore des parallèles avec la genèse de l'homme, ou avec la Passion salvatrice du Sauveur.
Mais cette nuit où le Christ Dieu naît parmi les hommes, où le Créateur de l'univers se montre à nos yeux sous la forme de la créature (cf. Ph 2:7) ; cette nuit est en quelque sorte le fondement de notre foi.
Car nous croyons que Celui qui en ce jour est né dans une humble grotte utilisé comme étable, dans la petite ville Bethléem en Judée, est bien le Christ Sauveur annoncé par les prophètes, que « Celui qui est descendu, » « qui s'est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes; et ayant paru comme un simple homme, »« est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux, afin de remplir toutes choses. » (Ep 4:10 et Ph 2:7) écrit St Paul.
Et « Quiconque croit que Jésus est le Christ, est né de Dieu. » et « tout ce qui est né de Dieu triomphe du monde; et la victoire qui triomphe du monde, c'est notre foi. » (I Jn 5:1, 4-5) écrit l'apôtre Jean.
Aussi bien aimé, frères et sœurs en Christ, comme disait St Paul : « Examinez-vous vous mêmes, pour savoir si vous êtes dans la foi; éprouvez-vous vous-mêmes. Ne reconnaissez-vous pas que Jésus-Christ est en vous? » (II Co 13:5).
Attachons nous donc à faire croître le Christ qui est né en nous (cf Ga:19) par la foi que nous avons en Lui. Car « Si quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature. » (II Co 5:17)
Cette créature renouvelée par la foi et le baptême, le Seigneur repose dans son cœur comme dans une crèche. Et pour croître en nous il a besoin d'être nourri par nos bonnes œuvres, par notre foi, par notre amour rempli d'action de grâce envers Dieu et envers notre prochain. Ainsi s’accomplit donc la prophétique glorification angélique : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre, bienveillance parmi les hommes ! »
Christ est né ! Glorifions-Le !
AMEN !
***
Je vous souhaite une sainte fête de la Nativité, dans la joie et la paix du Christ.
Nous nous retrouverons samedi 6 et Dimanche 7 Janvier pour les Vigiles et la Divine Liturgie de la fête de Théophanie (Baptême du Christ), avec la grandes bénédiction des eaux.
Il y aura des agapes.
Que la bénédiction de Dieu et sa miséricorde soit sur vous !
P. Nicolas
HOMELIE POUR LA FÊTE DE SAINT HILAIRE
Très chers frères et sœurs
Nous fêtons ce jour la fête de notre saint protecteur Hilaire de Poitiers qui naquit vers l'an 310 à Lemonum qui est le nom latin de la ville de Poitiers. Il est d'une famille aisée et reçu une bonne formation littéraire. Il chemina vers la foi chrétienne par sa recherche personnelle, se fera baptisé en 345 et deviendra évêque de Poitiers vers 353. Hilaire est un latin, un occidental qui ne découvrira le symbole de Nicée qu’en 354. Je vous rappelle que le symbole de Nicée date de 325. À ce concile ne participèrent que quatre évêques d'Occident. Nicaise de Die (Drôme) pour la Gaule, Ossius de Cordoue pour l'Espagne, puis des délégations de Carthage et de Rome. Son premier ouvrage est un commentaire de l'évangile de saint Matthieu.
En 356 il assiste au concile de Béziers surnommé le concile des faux apôtres car pro Arienj. Je vous rappelle que l'arianisme, en bref, fait du Christ une créature et non l’engendré du Père. C'est après ce concile qu'il fut expatrié par l'empereur Constance et l’évêque Saturnin, en Phrygie dans l'actuelle Turquie. Mais là aussi sévit l'arianisme. Il va alors commencer à écrire son œuvre maîtresse « de la Trinité ». Fort de sa réflexion personnelle et de sa foi il expose sa vision Trinitaires au concile de Séleucie-Rimini en 359. Il reviendra d'exil en 360 et n’aura de cesse de faire connaître la vérité du concile de Nicée et de la Trinité. Il eut une fille Abra qui se voua à la vie de vierge consacrée.
Il eut comme contemporains Saint-Basile, Saint-Athanase qui comme lui défendirent la foi véritable. L’œuvre d’Hilaire nous est parvenue pratiquement intacte. Son premier ouvrage comme je vous l'ai dit concerne un commentaire de l'évangile selon saint Matthieu don Saint-Jérôme et Saint-Ambroise ainsi que Saint-Augustin s'inspireront. Il écrit par exemple que le péché irrémissible c'est-à-dire qui ne sera pas pardonné, consiste à ne pas confesser Ensemble l'humanité et la divinité du Christ.
Quant à son traité sur la Trinité il est constitué de 12 livres et fut écrit entre 356 et 360.
- les livres 1 à 3 quelquefois nommé « de fide » relatent la confession de foi de Saint-Hilaire
- les livres 4 à 6 parlent de la réfutation des thèses ariennes
- les livres 7 à 12 décrivent la doctrine trinitaire et christologique de Saint-Hilaire.
On pense souvent que Saint-Hilaire a reçu sa doctrine trinitaire de son séjour en Orient. Mais ceci est surestimé comme le démontrera en 1908 Anatole Orloff dans sa soutenance de maîtrise de théologie à Moscou. Il y montre notamment la forte influence de Saint-Irénée de Lyon sur la question christologique, la déification de l'homme dans le second Adam et l'Union mystique au Père dans le royaume de la gloire. Je cite Saint-Irénée : « le verbe de Dieu Jésus Christ est devenu par sa bonté ineffable l'un de nous pour nous faire à notre tour ce qu'il est ».
Et on trouve chez Saint-Hilaire l'expression suivante : « le verbe de Dieu s'est fait chair afin que par ce verbe incarné celle-ci se hausse jusqu'au Verbe de Dieu ». Hilaire comme Irénée insistera sur l'expérience eucharistique. Je cite à nouveau : « Si véritablement le Christ a pris la chair de notre corps, si véritablement cet homme qui est né de Marie et le Christ, nous aussi véritablement, à la façon du mystère, nous recevons la chair de son corps ». Saint-Hilaire voit dans l’Eucharistie une présence réelle et mutuelle du Christ dans le croyant et du croyant dans le Christ.
Ce qui l'amène à la constatation suivante : « étant par l’Eucharistie nous-même en Christ et le Christ en nous, nous approchons le mystère du Père et du Fils, le Père étant dans le Fils et le Fils dans le Père.
Or le fils a reçu le nom de Jésus ce qui signifie Sauveur. Une semaine après la Nativité l'Église célèbre la circoncision du Seigneur mais également et surtout l'imposition du nom que nous pratiquons toujours aujourd'hui. Ce nom défini l’être qui est Dieu et son agir qui est de sauver. L’Ancien Testament a déjà un Jésus Fils de Navé connu sous le nom de Josué, lequel après la mort de Moïse conduisit le peuple hébreux en terre promise, prémices de Jésus Fils de Dieu qui nous mène dans la nouvelle terre promise qu'est le Royaume.
Quant à l'évangile de ce jour, du jeune homme riche, il nous donne une réponse pour cheminer vers le Royaume. Jésus donne cette réponse à la question de ce qu'il faut faire pour avoir la vie éternelle : « qu'as-tu à m'interroger sur ce qui est bon » ajoutant « Dieu seul est bon ». J’ouvre une parenthèse pour vous faire remarquer que l'arianisme qui voyait en Jésus un être créé, non pas l'unique engendré du Père, s'est servi de cette réponse de Jésus pour étayer sa thèse selon laquelle, lui Jésus n'avait pas la bonté du Père, car il ne serait qu’une créature.
Mais Jésus procède toujours au regard de son interlocuteur. Ce jeune homme voit en Jésus un maître et non le Fils de Dieu. Alors Jésus donne la réponse en fonction de son interlocuteur et lui rappelle les commandements de la seconde table de la loi, car il voyait que le jeune homme était disposé à l'amour de Dieu présent dans les commandements de la première table. Je m'explique : ce que pratique le jeune homme ce sont les commandements de la seconde table : aimer son prochain, respecter ses parents, ne pas voler, ne pas être adultère… Par là même cet homme est sur la voie du salut mais il lui reste celle de la perfection que Jésus va lui proposer en lui demandant de vendre tout ses biens mais surtout en le suivant, lui Jésus. Là est le sens des commandements de la première table concernant l'amour de Dieu. Devant cette réponse les disciples sont surpris car ils ont tout quitter pour Jésus et le suivre. Or il y a plusieurs façons de quitter les biens du monde et de suivre Jésus, et j'en finirai par là, car on peut suivre Dieu de plusieurs façons comme nous le dit Saint-Jérôme :
- En esprit par la contemplation
- Dans l'observance des commandements
- par limitation des œuvres divines
- par le mépris des biens de ce monde
- par la pureté de l'esprit et du corps
AMEN
HOMELIE DU PERE PHILIPPE POUR LE DIMANCHE DU BON SAMARITAIN
Chers frères et sœurs,
En ce dimanche de l’Evangile du Bon Samaritain, et compte-tenu de la situation actuelle, je vais vous parler de l’hôpital !
Avec l’ère chrétienne, peut-on avancer que les Byzantins ont inventé l’hôpital ?
S’il est difficile de se faire une idée sur les trois premiers siècles, on sait en revanche que dès le IV° siècle, à Alexandrie, Antioche ou Constantinople, des structures d’accueil surtout monastiques prennent en charge les malades. Les évêques vont installer des structures plus organisées. On peut citer Eustathe de Sébaste et Saint Basile le Grand, de Césarée de Cappadoce. Ces structures vont être exclusivement médicales. Les pauvres, les étrangers, les orphelins et autres « indigents » seront reçus à part, surtout par les monastères. C’est avec l’empereur Justinien (527-565) que tout ceci va réellement s’organiser sous la tutelle des évêques.
Un corps de médecins municipaux (Archiotroi) est affecté aux soins des malades. Il existe cependant des « sanctuaires de guérison » attachés à la présence d’un saint thaumaturge. La formation de ces médecins municipaux est sérieuse, basée sur les maîtres de l’époque : Hippocrate, Galien et des médecins perses et arabes. Au cours des siècles suivants l’expansion de ces hopitaux se fait avec les dons des grandes familles. On peut citer l’hôpital du Christ Pantocrator fondé par Jean II au XII° siècle à Constantinople, avec des médecins laïcs compétents, un moine à sa tête chargé uniquement que de la médecine (le Nosokomos) l’aspect matériel étant confié à l’Higoumène.
Vous voyez combien les principes de l’Evangile furent un des grands moteur du soin aux malades. 3Ce que vous ferez à l’un d’entre eux, c’est à Moi que vous le ferez ».
Les médecins exerçaient un mois à l’hôpital. Ils étaient assez mal rémunérés, mais consacraient le mois suivant à la médecine libérale pour se renflouer. Quant au grand principe du soin, on peut le résumer ainsi « Du moment que cela marche ! ». L’Occident aura sur ce sujet un développement plus tardif.
La médecine de ce temps affronte trois grandes maladies : les pestes, les infirmités, la lèpre.
Cette dernière apparaît en occident au I° siècle avant Jésus-Christ et n’a rien à voir avec les Croisades, comme le dira le Siècle des Lumières (Voltaire, Michelet) profondément anti clérical. Elle provient des bords du Nil et elle est décrite par Pline l’Ancien en 79 après JC.
Alors ici, il faut se rappeler par exemple Saint Martin qui embrasse un lépreux en 397 aux portes de Paris, et le Christ qui guérira un lépreux. Contrairement à l’idée reçue, les lépreux sont peu sont peu nombreux. L’erreur sur leur nombre est due au fait que chaque ville, village ou bourg disposait d’une léproserie. Ce bâtiment se situait en dehors de la ville, non par crainte, mais à cause de la densité urbaine, très forte. Les lépreux sont assimilés au Christ dont ils partagent la Croix et la Résurrection, et les léproseries sont aussi fréquentées par d’autres malades. Quant à la cliquette qu’ils utilisaient pour se signaler, elle n’était pas faite pour éloigner mais pour appeler. C’est la même cliquette qui était utilisée en Occident lors de l’élévation des Saints Dons à la messe. Ainsi prévenus, les habitants pouvaient leur venir en aide, selon les préceptes de l’Evangile. Avec la perte du sens évangéliques, à partir du XV-XVI siècle, les lépreux seront éloignés.
Enfin, la peste, qui recouvrait de fait plusieurs maladies qui se caractérisaient par leur « pestilence » ravage l’Orient puis l’Occident, par vagues, jusqu’en 1722, où elle ravagera le ville de Marseille entre 1720 et 1722.
Finissons ce panorama avec Marseille et un personnage très fort, de grand caractère, élève du lycée Louis le Grand, puis élève des Jésuites, prêtre et enfin évêque de Marseille : Monseigneur de Belsunce.
En bon pasteur, quand survint la peste, il sacrifia sa vie pour ses brebis :
- il organisa son diocèse en fonction des ressources dont il disposait : monastères, moines…
- il apporta une aide matériel sur les revenus épiscopaux et sa fortune personnelle
- il visite les malades afin qu’ils ne meurent pas sans les sacrements, en maudissant Dieu
Le 1 novembre 1720, il traversa la ville pieds nus, sans sa mitre, une corde au coup et prend à sa charge tous les péchés de la ville qu’il consacre au Sacré Cœur de Jésus, nouvelle dévotion qui prend corps à cette époque (bien que peu prisée par Rome). Depuis, tous les ans, les Autorités de la ville assistent à la messe dans la basilique du Sacré Cœur et offrent un cierge de 4 livres aux armes de Marseille.
Chers frères et sœurs, je vous ai raconté tout cela pour vous montrer combien la foi chrétienne, les préceptes de l’Evangile, l’amour du prochain ont été (et sont encore) à la base des soins aux malades selon les paroles du Christ, et aussi qu’il ne faut pas avoir peur.
A la gloire de notre Seigneur Jésus-Christ.
P. Philippe
LES PUISSANCES INCORPORELLES
Épître pour la Synaxe des Archanges et Puissances Incorporelles - Hébreux 2,2-10:
Car si la parole annoncée par des Anges entra en vigueur et si toute transgression et toute désobéissance reçurent une juste rétribution, comment nous-mêmes échapperons-nous, si nous négligeons un pareil Salut, qui commença à être annoncé par le Seigneur, puis fut confirmé pour nous par ceux qui L’avaient entendu, et fut appuyé aussi du témoignage de Dieu par des signes et des prodiges, des miracles de toute sorte, et par des dons de l’Esprit Saint répartis selon Sa volonté! Car ce n’est pas à des Anges qu’Il a soumis le monde à venir, dont nous parlons. L’attestation en fut donnée quelque part en ces termes : Qu’est-ce que l’homme pour que Tu Te souviennes de lui? Ou le fils de l’homme pour que Tu portes Tes regards sur lui? Tu l’abaissas quelque peu par rapport aux anges; de gloire et d’honneur Tu le couronnas; Tu mis toutes choses sous ses pieds. En lui soumettant toutes choses, il n’a rien laissé qui puisse lui rester insoumis. Or, en fait, nous ne voyons pas encore que tout lui ait été soumis, mais nous faisons une constatation : celui qui a été abaissé quelque peu par rapport aux Anges, Jésus, Se trouve, à cause de la mort qu’Il a soufferte, couronné de gloire et d’honneur. Ainsi, par la grâce de Dieu, c’est pour tout homme qu’Il a goûté la mort. Il convenait, en effet, à Celui pour Qui et par Qui tout existe et Qui voulait conduire à la gloire une multitude de fils, de mener à l’accomplissement par des souffrances l’Initiateur de leur Salut.
Les Chrétiens Orthodoxes sont les heureux bénéficiaires de "..la culture intemporelle et
universelle transmise par les saints Pères et Mères de l'Église Orthodoxe à travers la discipline personnelle et l'obéissance." Bénis comme bénéficiaires de cet ethos, de cette manière d'être et
de vivre, nous repoussons sans détour le dédain contemporain pour tout ce qui est immatériel et spirituel, et dès lors, nous célébrons cette Fête qui honore les puissances incorporelles qui
oeuvrent au sein de l'économie salvifique de Dieu.
La culture sécularisé dominante de l'Occident, sans la moindre appréhension de vérité spirituelle, et handicapée par un étroit matérialisme comme seul avenir,
s'oppose à cette connaissance Orthodoxe de longue existence. Dès lors, nombre d'hommes et de femmes relèguent toute discussion sur les puissances invisibles, incorporelles, à une affaire de piété
individuelle. Bénis que nous sommes, nous, de célébrer notre dépendance à ces invisibles hôtes des Cieux, tels que nous les connaissons par la riche vie scripturaire et liturgique de notre
Église! Renouvellons notre relation aux saints Anges et à l'accueil de leurs actions parmi nous!
Dans la lecture d'Hébreux de ce jour, saint Paul éclaire la relation entre Dieu et Son peuple, dans l'Ancienne Alliance, la montrant administrée par les Anges (v.
2). Ce portrait classique du ministère angélique peut aussi se voir dans l'Icône peinte par saint André Roubleev, montrant l'épisode de la Genèse, la théophanie avec les Trois Visiteurs venus à
Abraham, "Le SEIGNEUR apparut à Abraham aux chênes de Mamré alors qu’il était assis à l’entrée de la tente dans la pleine chaleur du jour" (Gen 18,1), Icône dépeignant les Trois Personnes de la
Triune Divinité.
Dieu est aussi apparu avec Ses Anges dans d'autres théophanies, comme lors du don de la Loi Mosaïque : "Le SEIGNEUR est venu du Sinaï, pour eux Il S’est levé à
l’horizon, du côté de Séïr, Il a resplendi depuis le mont de Parân; Il est arrivé à Mériba de Qadesh; de son midi vers les Pentes, pour eux" (Deut. 33,2). Nombre de Juges et de prophètes, comme
par exemple Gédéon (Jug. 6), ont reçu des révélations de Dieu par des Anges.
Le prophète Gad avait prédit une épidémie de peste qui frapperait la nation à cause des péchés du roi David; mais par les prières du prophète et du roi, la main de
l'Ange qui apportait la peste fut arrêtée après une journée (2 rois 24,13-17). Le prophète Isaïe vit la délivrance divine de Jérusalem accomplie par un Ange contre les Assyriens (Is.
37,33-36).
Pour annoncer l'Incarnation du Seigneur Jésus, l'Archange Gabriel apparut à Marie, la Théotokos. Gabriel était le messager du Roi à venir (Lc 1,26-38; Mt 1,20-24),
et maintenant, dans l'actuel temps de l'Église, Dieu a remis le pouvoir à Son Fils Unique engendré, Qui pour un temps avait été quelque peu abaissé par rapport aux Anges (Héb. 2,7). Au fil des
siècles Chrétiens, l'Église a enregistré nombre d'apparitions d'Anges ayant un message particulier, et accomplissant des miracles, pour des personnes comme pour des communautés de fidèles en
Christ. Bien entendu, jusqu'au retour du Seigneur, nous ne voyons pas encore toutes choses soumises à Lui (Héb. 2,8), y compris les puissances angéliques.
Il y a bien longtemps, les Anges furent révélés à Isaïe comme dirigeant la liturgie céleste (Is. 6,1-4). A présent, dans la Nouvelle Alliance, l'angélique direction
voit son rôle élargi dans le culte céleste, comme dévoilé en Apoc. 4,6 & 5,11. L'Église comprend aussi que les Anges nous sont très proches pendant le culte sur terre, et en particulier
pendant la Divine Liturgie, où nous "..représentons mystiquement les Chérubins.." lorsque nous "..chantons l'hymne trois fois sainte à la Vivifiante Trinité" en même temps que les puissances
célestes. Les Icônes de bien des portes latérales d'iconostases dépeignent les Archanges présents et nous aidant dans le culte.
Enfin, notons que les Anges servent aussi les fidèles comme saints gardiens, protégeant nos coeurs, âmes et corps. Par dessus tout, ils prient Dieu pour nous, afin
qu'Il nous accorde la grâce de la repentance, nous pardonne toutes nos offenses, et nous recouvrent toujours de l'ombre de leur gloire immatérielle, nous préservant, nous qui nous agenouillons et
crions sans cesse à nos angéliques gardiens:
Délivrez-nous des oppressions, car vous êtes les princes des nuées des puissances
célestes!
HOMÉLIE DU PÈRE PIERRE SUR LA PRÉSENTATION AU TEMPLE DE LA MÈRE DE DIEU
Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit !
Chers frères et sœurs,
Voici quelques réflexions sur la fête de la Présentation au Temple de la Très-Sainte Mère de Dieu, que nous célébrons avec un jour de retard -il s'agit donc d'un « rattrapage ». C'est une des douze fêtes majeures ; c'est dire son importance. Parmi ces douze fêtes qui ponctuent l'année liturgique, cinq sont en effet consacrées à un événement de la vie de la Toute-Pure. Sa Présentation au Temple en fait donc partie. Il est évidemment logique que la Tradition de l'Eglise ait inscrit autant de fêtes mariales dans le calendrier : l'Evangile le dit lui-même : c'est par la Théotokos seule que l'Incarnation du Verbe divin a pu se faire. Elle est donc la clé de notre Salut, notre Intercession privilégiée, notre Avocate permanente devant l'Eternel. Alors, que peut-on retenir de la signification de cette fête dans l'économie de notre Salut ?
Tout d'abord, cet événement de la Présentation au Temple de la Très-Sainte Mère de Dieu n'est pas mentionnée dans les Evangiles, qui ne disent rien sur son enfance ni même sur sa mort. Beaucoup de fêtes mariales tirent leurs origines de textes rejetés par l'Eglise aux IIIe et IVe siècles, qu'on appelle les Evangiles apocryphes (littéralement « cachés », dissimulés »). La fête d'aujourd'hui tire justement ses origines d'un apocryphe, le « Protévangile de Jacques ». On pourrait alors à bon droit s'interroger sur la légitimité de l'instauration d'une fête -mais aussi d'autres fêtes mariales- qui non seulement n'est pas rapportée par les Evangiles, mais qui de plus figure dans des textes que l'Eglise à rejetés dès les premiers siècles du corpus officiel du Nouveau Testament. En fait, même si effectivement ces textes doivent être pris avec précaution car en principe non inspirés de Dieu, ils n'en sont pas moins en partie inspirés par les Saintes Ecritures, en particulier par l'Ancien Testament. Lors des Vigiles des grandes fêtes, on lit en principe trois passages vétéro-testamentaires (parémies) qui d'une certaine façon préfigurent, parfois mystérieusement, parfois explicitement, l'événement célébré ce jour-là. Or, les textes vétéro-testamentaires de la fête traitent tous d'un seul thème : le Temple. La première lecture est tirée de l'Exode (chapitre 40) et décrit la consécration du premier Temple, c'est-à-dire du Tabernacle, ou Tente du Témoignage. La deuxième est extraite du troisième livre des Rois, chapitre 8, et relate le transfert de l'Arche d'Alliance et de son entrée dans le deuxième Temple, autrement dit le Temple de Salomon à Jérusalem. La troisième est une vision d'Ezéchiel, au chapitre 44, où le saint Prophète décrit la porte extérieure du Sanctuaire qui reste close, bien que le Seigneur, et lui seul, puisse y passer : « le Seigneur me dit : cette porte restera fermée (…) personne n'entrera par là, car le Seigneur, le Dieu d'Israël, est entré par là ».
Dans ces trois lectures, on a trois préfigurations symboliques de la Mère de Dieu, toutes liées à cette thématique récurrente du Temple. Ce lien entre le Temple et la Mère de Dieu est évident pour deux raisons. D'une part, parce que le Temple, c'est la Maison de Dieu. Le lieu consacré à Dieu et par Dieu. D'autre part, parce que la Mère de Dieu est elle-même le Temple, la Maison de Dieu par excellence, puisqu'elle a « hébergé » Dieu dans ses propres entrailles, dans son propre corps. Regardons l'évolution du Temple dans le temps. Dans l'Exode, on a une tente, autrement dit un temple de toile. C'est logique : à cette époque-là, les Hébreux sont nomades. C'est d'ailleurs le sens du mot « Hébreu » qui vient du verbe « avar » signifiant « passer ». Dans les Rois, les Hébreux étant devenus sédentaires et dotés d'un Etat centralisé avec un souverain et une capitale, le Temple devient un temple de pierre. Enfin, Ezéchiel préfigure un temple d'un genre nouveau, même s'il ne le dit pas ouvertement, mais de façon métaphorique : un temple de chair, la chair d'une femme qui restera vierge car seul le Seigneur pourra y demeurer.
Dans ces trois passages, la Mère de Dieu est évoquée symboliquement de trois façons différentes. Dans la première lecture, tirée de l'Exode, une fois le Tabernacle consacré, la nuée le recouvre et la gloire de Dieu remplit le Saint des Saints (Exode 40 : 34). On retrouve un parallèle très clair avec la parole de l'Ange à Marie lors de l'Annonciation, rapportée par Luc : « l'Esprit Saint descendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre » (Luc 1 : 35). Dans la deuxième lecture, c'est la même manifestation. La nuée, qui symbolise la gloire divine, remplit également le Temple (3 Rois 8 : 10). . Or là aussi, le Temple de Jérusalem pénétré par l'Esprit préfigure la Mère de Dieu, appelée à recevoir son Sauveur dans sa chair. Enfin, la troisième lecture mentionne la porte close ouverte à Dieu seul mais par laquelle aucun homme n'est passé. Elle fait évidemment allusion à la virginité de Marie avant, pendant et après son enfantement (Ezéchiel 44 : 2).
On pourrait là aussi s'interroger sur le choix de Dieu de « demeurer » dans un temple de chair. D'abord, l'enfantement virginal a été annoncé par les Prophètes. Ensuite, parce que sans ce temple de chair, Dieu n'aurait pas pu s'incarner. Pour épouser pleinement notre humanité, il fallait que Dieu naisse d'une femme. Or sans Incarnation, il n'y aurait pas eu de Passion ni de Croix, et donc pas de Salut. On voit donc là l'importance capitale de ce choix d'un temple de chair : Marie est l'Arche sainte de notre Salut.
Alors, pourquoi Marie, alors âgée de trois ans, a-t-elle été présentée au Temple ? Parce qu'elle devait être préparée à recevoir son Seigneur. Elle y restera jusqu'à 15 ans, âge où à l'époque, les filles pouvaient être mariées. Pendant douze ans, elle est donc restée au Temple à servir Dieu nuit et jour, afin de se préparer à sa venue dans la chair. C'est pour cela que cette fête de la Présentation de la Mère de Dieu au Temple constitue par excellence le lien entre l'Ancien et le Nouveau Testament, autrement dit, le passage d'un Temple de pierre à un temple de chair, condition indispensable à l'Incarnation du Verbe divin.
Chers frères et sœurs, la question qui se pose à nous est la suivante : comment pouvons-nous, nous aussi, nous préparer à recevoir notre Seigneur ? Évidemment, nous ne pourrons jamais le faire comme la Mère de Dieu, qui a eu, par sa vie exemplaire, cet unique privilège. Par ailleurs, la situation pénible que nous vivons actuellement, où nous sommes obligés de célébrer les offices à huis-clos, empêchant ainsi la majeure partie d'entre nous de recevoir les Saints Corps et Sang de notre Seigneur, rend cette préparation encore plus difficile. Nous devons effectivement prier pour que cela cesse au plus vite, sachant que ceci est dû à une pandémie mondiale que Dieu permet -permettre ne signifiant pas souhaiter- pour éprouver notre Foi et notre patience. Cette maladie touche tout le monde, y compris des pasteurs de l'Eglise, comme sa Sainteté le Patriarche de Serbie Irénée qui vient d'y succomber. Des cas de figures analogues, où il était temporairement impossible de célébrer normalement, se sont déjà présentés au cours de l'Histoire, y compris dans des pays chrétiens. En 1866, dans la Russie impériale, où pourtant l'Orthodoxie avait le statut de religion d'Etat, les églises étaient fermées sur ordre des autorités civiles ET ecclésiastiques pour cause d'épidémie de choléra. On pourrait citer d'autres exemples à d'autres endroits et à d'autres époques. Malgré notre douleur, malgré notre sentiment d'indignation, voire de colère, nous devons, comme le dit saint Silouane l'Athonite « garder notre esprit en enfer et ne pas désespérer ». C'est effectivement très difficile, car nous ne connaissons ni le jour, ni l'heure de notre délivrance, mais nous devons toujours garder à l'esprit que celle-ci arrivera tôt ou tard, car le temps de Dieu n'est pas le nôtre. Après tout, la Mère de Dieu est restée douze ans dans le Temple, avant de devenir temple elle-même. A nous d'imiter sa persévérance. A notre Seigneur soit la Gloire ! Amen.
HOMELIE DE L'ASCENSION
Très chers Pères, frères et sœurs,
Une remarque sur ce temps liturgique. Aux premiers siècles, l’Eglise fêtait la sainte cinquantaine, donc de Pâques à la Pentecôte comme un jour unique, celui de la résurrection. La célèbre Egérie, dans son journal de voyage, mentionne une fête 40 jours après la résurrection, comme étant celle des Saints Innocents. Probablement qu’à cette époque, Ascension et Pentecôte étaient célébrées le même jour. Suite au deuxième concile de Constantinople en 381 ou fut proclamé la divinité de l’Esprit Saint, les deux fêtes furent séparées et l’Ascension placée au 40ème jour par soucis de symétrie.
Des ascensions, l’Ecriture en mentionne au moins trois :
- Habacuc transporté par un ange qui le tient par les cheveux pour donner à manger à Daniel, enfermé dans la fosse aux lions ;
- Enoch, fils de Caïn après que celui-ci eu tué Abel, et qui selon la Genèse, 5,24
- « Hénok marcha avec Dieu, puis il disparut, car Dieu l'enleva. »
- Elie enlevé sur un char de feu sous les yeux d’Elysée
Ce qui surprend les anges ici, c’est que Jésus s’élève par lui-même, sans intermédiaire, et c’est un homme qu’ils voient ; « Alors que tu étais enlevé du Mont des Oliviers, les puissances célestes voyant cela, clamaient l’une à l’autre : Qui est-il celui-ci ? Et quelqu’un leur répondit : celui-ci est le fort et le puissant, c’est lui le puissant dans les combats, Il est en vérité le Roi de Gloire. Et pourquoi porte-t-il des vêtements de pourpre ? C’est qu’Il vient de Bossor (la chair). C’est qu’Il n’est pas seulement homme, mais Dieu et Homme à la fois. » (apostiches)
Maintenant, regardons brièvement ce que disent les synoptiques, les trois Evangélistes Matthieu, Marc et Luc : tous rapportent que Jésus leur donne ordre d’aller annoncer la Bonne Nouvelle, et de baptiser les Nations au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Chez Saint Jean, Jésus demande par trois fois à Pierre s’il l’aime, effaçant son reniement, et lui demande de Le suivre.
Il y a ainsi dans cette fête une tension entre l’élévation du regard vers les Cieux, vers le monde spirituel, et la nécessité ici-bas de partir enseigner la Bonne Nouvelle. Là est certainement toute la réalité de notre vie, de nous élever vers et avec le Christ par la puissance de l’Esprit Saint, et aussi d’œuvrer ici sur la Terre. Vous avez une image de cette tension dans le canon liturgique : le célébrant demande d’élever nos cœurs, et nous les avons vers le Seigneur. En fin de liturgie, il nous est dit de sortir en Paix, afin de continuer cette annonce de l’Evangile. Mais nous trouvons aussi cela dans l’Evangile lorsque Jésus est interpellé par des Pharisiens qui lui demandent quel est le plus grand commandement :
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit : voilà le plus grand et le premier commandement. Le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »
On retrouve ici également cette tension entre Dieu, la vie spirituelle, et mon prochain, la traduction de cette vie dans le monde.
Cette tension est rendue possible grâce à la puissance de l’Esprit-Saint qui nous est donnée lors de notre baptême. Ainsi pouvons nous acquérir les vertus nécessaires, et la plus grande d’entre elle, celle dont Grégoire de Nazianze et Grégoire de Nysse diront ; « l’orgueil c’est la montée vers le bas et l’humilité la descente vers le haut ». L’humilité est cette vertu pratiquée par le Christ, ce qu’il dira dans la synagogue de Nazareth en lisant le rouleau d’Elie : L'Esprit du Seigneur est sur moi, du fait qu'il m'a oint pour porter la bonne nouvelle aux pauvres. Les pauvres que le texte hébreu nomme les anawim.
Pour finir ces quelques réflexions, la aussi la Liturgie nous enseigne. Après avoir prononcer les paroles du Christ à la sainte Cène, le célébrant élève les saints dons en rappelant tout ce qui a été fait pour nous et notre salut, en une image de l’Ascension, et ensuite d’invoquer l’Esprit-Saint sur ces dons, comme Jésus nous envoya l’Esprit Saint après son Ascension.
A Lui la gloire dans les S des S.
SIXIÈME DIMANCHE DE PÂQUES
(CINQUIÈME APRES PÂQUES)
DIMANCHE DE L'AVEUGLE DE NAISSANCE
Nous ne pouvons pas encore ouvrir l'église et devons attendre pour cela le mois de juin. Dés qu'elles seront connues, nous vous ferons part des modalités de célébration.
HOMÉLIE DU PÈRE NOËL TANAZACQ
On est un peu surpris de trouver cet Evangile à la fin du temps pascal parce que l’évènement se situe avant la Passion du Seigneur. Mais c’est lié à la pédagogie liturgique de l’Eglise d’Orient : les trois premiers dimanches du temps pascal sont centrés sur la Résurrection du Christ, comme il est normal, et les trois dimanches suivants sont centrés sur le mystère de l’eau2, pour nous préparer à la Pentecôte, car l’eau est l’un des grands symboles de l’Esprit-Saint. La vision occidentale est différente, plus historique : on lit cet Evangile à la fin du Carême, le mercredi de l’Illumination, le jour où les yeux des catéchumènes s’ouvraient, parce qu’on leur transmettait solennellement le Symbole de Foi et la prière du Seigneur (le Notre Père)3.
Ici, l’élément essentiel c’est l’eau. Le contexte le confirme. Le Seigneur est monté à Jérusalem pour la fête de Soukkoth4 et, le dernier jour, le grand jour de la fête, Il s’écrie : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à Moi et qu’il boive. Celui qui croit en Moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein… Il dit cela de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en Lui… (Jn 7/38-39). C’est un moment particulièrement difficile pour le Christ, car Il donne dans le Temple un enseignement d’une exceptionnelle hauteur théologique et qui Le concerne, Lui personnellement, en tant qu’envoyé de Dieu, Fils du Père céleste, qui n’est pas reçu par la foule et qui provoque un affrontement très dur avec elle, puisque les Juifs veulent Le lapider (Jn 8/59). Il souffre une Passion morale avant Sa Passion physique.
C’est juste au sortir du Temple qu’Il voit, en passant, un homme aveugle de naissance qui mendie, assis à une porte. Le Seigneur ne dit rien. Mais les Apôtres profitent de la circonstance pour Lui poser une question difficile : Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? Immense problème qui obsède les hommes jusqu’à nos jours ! Nous abordons souvent les problèmes spirituels avec une mentalité magique (à connotation juridique et morale), qui privilégie le lien de cause à effet, en oubliant qu’il n’y a aucun automatisme dans la vie spirituelle : l’Homme est libre, comme Dieu est libre. Le Christ fait une belle réponse, déconcertante : ce n’est pas un problème de péché, mais il faut que Je manifeste au monde que Je suis le Fils de Dieu, la Lumière du monde. Cette infirmité va y concourir. Il apprend à Ses disciples à distinguer entre la nature et la personne.
Cela ne retire rien au fait que globalement les maladies de l’humanité soient une conséquence du péché. Mais cette réalité théologique ne signifie pas que telle maladie serait la conséquence de tel péché pour telle personne. Et surtout lorsqu’il s’agit de maladies incurables de naissance (en général génétiques), qui nous apparaissent comme très injustes, l’enfant ne peut pas avoir choisi de communier personnellement au péché : il est innocent. Il faut donc se garder de toute opinion définitive et avoir seulement de la compassion. Le Christ en a immédiatement : Il le guérit, mais selon un rituel extrêmement riche de symboles et quasiment sacramentel.
Il crache par terre et mélange la « poussière du sol » (=Adam en hébreu) avec Sa salive divine pour faire de la boue, puis il pose ce cataplasme divin sur les yeux de l’aveugle. C’est une image symbolique de la création de l’Homme au 6e jour : le Fils façonna l’Homme avec la poussière du sol, qui avait été arrosée par la vapeur qui s’était élevée de la terre (Gen. 2/6-7). Après, l’Esprit lui insuffla la vie, l’âme. La salive divine représente symboliquement l’économie de l’Esprit, car il s’agit « d’eau » (qui produit la vie) et l’Esprit repose en plénitude dans le Fils.
L’acte sacramentel qu’Il fait représente la recréation de l’Homme. Mais ensuite, Il demande à l’homme malade de coopérer à sa guérison, de faire un effort, une démarche : aller jusqu’à la piscine de Siloé5 et s’y laver. L’aveugle croit Jésus sur parole6, obéit et est guéri immédiatement. Siloé veut dire « envoyé », nous précise l’Evangile. Le fait d’aller jusqu’à la piscine symbolise le retour à Dieu, et le fait de s’y laver symbolise le baptême. Il est immergé dans les eaux de l’Esprit, qui le régénère, le ramène à la vie, à la lumière du Christ. Nous avons là un bel exemple de synergie entre Dieu et l’Homme, et de synergie entre les deux mains du Père, les deux Envoyés, les deux Paraclets, le Fils et l’Esprit. Le Fils a refaçonné et l’Esprit a rendu la Vie.
Ce miracle incroyable provoque un ébranlement dans le microcosme juif de Jérusalem. Tout le monde est incrédule, les voisins, les Pharisiens, les parents…On n’arrive pas à y croire. L’Evangile nous raconte longuement les quatre rencontres qui suivent l’évènement et qui ont un caractère presque comique. Les Pharisiens sont très ennuyés par ce miracle dérangeant. La seule chose qui leur importe, c’est que Jésus ait fait ce miracle un jour de sabbat ! Ils ne manifestent aucune joie de la guérison de ce malade incurable, ils n’ont aucune admiration, ni gratitude envers ce rabbi qui pourtant a fait des œuvres que nul autre n’avait faites (Jn 15 24 ; l’aveugle guéri répond aux Pharisiens : Jamais on n’a ouïe dire que quelqu’un ait ouvert les yeux d’un aveugle-né). Pire : ils vont finir par injurier l’aveugle-né et le chasser.
L’aveuglement de l’Homme peut être tragique. Il peut conduire des gens normaux, et même « bien », à devenir des meurtriers, des monstres. Ce rabbi de Nazareth qui guérissait les malades incurables et ressuscitait les morts, ils vont le faire mettre à mort quelques mois plus tard… Pendant toute Sa mission terrestre (3 ans) le Christ n’a pas cessé de dire qu’il fallait se préoccuper de l’esprit plus que de la lettre, du contenu plus que du contenant, de la réalité intérieure plus que de l’apparence extérieure. Et Il n’a pas été entendu : on Lui a reproché de ne pas appliquer la Loi, Lui qui en est l’Auteur divin ! Et l’Eglise commet souvent les mêmes péchés que la Synagogue. On est très strict sur l’application des lois, des règles, des canons, des usages – qui pourtant sont tous relatifs et changeants – alors qu’on a peu de souci de l’état intérieur des âmes, de leur vie spirituelle, de leur relation intime avec Dieu. Les deux premières personnes à avoir vu le Christ ressuscité (Marie de Magdala) et à être entrée dans le Royaume de Dieu (le Bon larron) étaient fort peu canoniques… Beaucoup de personnes pensant être spirituelles sont tellement pleines de leurs pensées qu’elles ne peuvent plus recevoir celles de Dieu : elles passent à côté de Celui qui est la Vie, sans Le voir.
Le personnage le plus remarquable dans cette sorte de vaudeville religieux est l’aveugle guéri. Non seulement le Saint-Esprit lui a ouvert les yeux de chair, mais Il lui a ouvert aussi l’œil intérieur. A chaque question qui lui est posée, il répond par une « antienne » remarquable : Cet homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, en a oint mes yeux et m’a dit : va à la piscine de Siloé et lave-toi. J’y suis allé, je me suis lavé et je vois7. Mais il fait plus : il a l’audace de répondre aux Pharisiens, avec intelligence, et il les reprend8. Ne sachant plus que dire, ils le chassent avec mépris (Tu es né tout entier dans le péché et tu nous fais la leçon !).
Quant au Seigneur, Il avait disparu. C’est là un autre enseignement remarquable : le Christ accomplit des actes thaumaturgiques, mais Il ne s’attache pas les personnes, contrairement à tous les gourous et pseudo-pères spirituels ; Il laisse les hommes libres. Dieu ne s’impose jamais : Il se propose. Il attend aussi que nous Le cherchions : Il jette l’hameçon et Il espère que le poisson va mordre. Après toute cette agitation, Il rencontre à nouveau l’ancien aveugle dans le Temple9 et Il Se révèle expressément à Lui. L’homme a été préparé intérieurement par la guérison physique : il a changé et évolué, et maintenant il dit : Je crois au Fils de Dieu ; il se prosterne et L’adore. Quel paradoxe étonnant ! les Pharisiens, disciples de Moïse, appliquant la Loi à la lettre et vivant, en apparence, d’une façon spirituelle, n’ont pas vu le Messie, le Christ. L’Aveugle-né, lui, L’a vu. La véritable cécité est intérieure. Seuls les cœurs purs – ceux qui renoncent à eux-mêmes – peuvent voir Dieu.
Père Noël TANAZACQ (Paris)
Notes :
1. Il est inexact de dire « 6e dimanche après Pâques »,
comme on le trouve souvent dans les calendriers liturgiques : il est le 6e dimanche de la Pâque, si l’on considère que tous ces dimanches ne forment qu’un (« Ce jour, le Seigneur
l’a fait »), ou 6e du temps pascal comme on le dit en Occident. Mais il est le 5e dimanche après Pâques.
2. 4e dimanche : le bouillonnement de l’eau à Béthesda (la guérison
du Paralytique), 5e dimanche : l’eau vive (la Samaritaine). Ici : la salive du Christ et les eaux de Siloé.
3. Le mercredi de la 4e semaine de Carême. C’était la « Traditio
symboli ».
4. La fête des tentes, en
septembre.
5. La piscine de Siloé est un
grand réservoir d’eau qui se trouve au sud de Jérusalem, mais qui provient d’une source d’eau vive. Le roi Ezechias (722-687 av. JC, dont le prophète Isaïe fut le conseiller), avait fait creuser
un canal souterrain qui amenait les eaux de la source de Guihon [devenue la Fontaine de la Vierge], sur le versant oriental du mont Ophel, jusqu’à la piscine de Siloé. La source est intermittente
et coule plusieurs fois par jour. On suppose que l’eau provient en fait d’un réservoir d’eau naturel qui serait sous le mont Moriah (le mont du Temple). La piscine n’est pas proche du Temple :
elle est à plus de 500 m. Il y a du chemin à parcourir, surtout pour un aveugle !.
6. Alors qu’il aurait pu prendre Jésus pour un charlatan. N’oublions pas qu’il ne l’a pas vu, puisqu’il est aveugle. Il n’a pu qu’entendre
Sa parole..
7. Dans le rite des Gaules
restauré, le mercredi de l’Illumination, le diacre proclame l’Evangile de la chaire et, à chaque fois que l’Aveugle-né prend la parole, le chœur chante cette antienne évangélique sur une mélodie
particulière, conformément à la tradition occidentale de la lecture de l’Evangile à plusieurs voix (comme c’est le cas pour l’Evangile concordant de la Passion, en Semaine Sainte). C’est très
puissant, car les fidèles « vivent » l’Evangile, et c’est pédagogique.
8. Cela annonce aussi la Pentecôte : les pêcheurs illettrés de Galilée vont devenir des docteurs et enseigner les nations.
9. C’est-à-dire sur l’esplanade du Temple, dans le
parvis des juifs.
CINQUIÈME DIMANCHE DE PÂQUES
(QUATRIÈME APRES PÂQUES)
DIMANCHE DE LA SAMARITAINE
Nous ne pouvons pas encore ouvrir l'église et devons attendre pour cela le mois de juin. Dés qu'elles seront connues, nous vous ferons part des modalités de célébration.
Très chers Pères, frères et sœurs,
Jésus quitte la Judée pour rejoindre la Galilée, ces deux provinces étant séparées par la Samarie. Les liens entre Juifs et Samaritains sont exécrables depuis plusieurs siècles (voir encadré).
Saint Jean cependant dit ceci de Jésus :
« Il lui fallait traverser la Samarie » laissant entendre la nécessité de cette rencontre.
Il est midi (6° heure), Jésus est fatigué, ses disciples sont partis chercher à manger.
Jésus est assis sur la margelle du puits de Jacob.
Ce puits est situé à Sychar une ville de Samarie4 près du champ de Shechem ou Sichem (aujourd'hui Naplouse) acquis par Jacob aux fils de Hamor, le père de Sichem, puis donné à son fils Joseph dont les ossements y sont enterrés et devenu ensuite la propriété de ses fils par héritage.
Arrive cette femme, seule, à une heure où il n’est pas habituel de venir chercher de l’eau. Donc elle souhaite certainement être seule. Saint Jean place cette rencontre à la sixième heure, heure de la désobéissance d’Adam et Eve, heure du sacrifice de Jésus sur la Croix.
Quant au puits, dans l’Ancien Testament, il a un sens nuptial :
- rencontre du serviteur d’Isaac avec Rebecca venant puiser de l’eau (Gn 24)
- Jacob arrive près d’un puits où paissent trois troupeaux. Arrive Rachel, fille de Laban, avec son troupeau et Jacob l’aide pour pousser la pierre qui ferme le puits (Gn29)
- Moïse met en fuite des bergers afin que les filles du prêtre Madian puissent faire boire leur troupeau. Moïse épousera Sefora, une des sept filles (Ex 2)
Alors Jésus dit à cette femme : donne-moi à boire. Cette demande fait écho à celle du peuple hébreux réclamât à Moïse de l’eau dans le désert d’Horeb. Dans les écoles talmudiques, celui qui étudie la Torah est comparé à une fontaine ou un fleuve.
Dans ce dialogue, c’est la méfiance de la Samaritaine qui se manifeste en premier : « comment toi, un juif, peux-tu t’adresser à une femme samaritaine ? ». Jésus va l’amener progressivement vers une autre perception. Cette femme est seule (malgré ses nombreux maris) et cherche quelque chose qui la sorte de sa condition de vie actuelle. Alors Jésus lui propose une eau nouvelle, une Eau Vive en parlant du don de Dieu, et qu’alors c’est elle qui demanderait à boire de cette Eau. Elle va argumenter, bien qu’intriguée par la réponse de Jésus et feindre l’étonnement : « comment, vous n’avez pas de puits ? » Et Jésus d’évoquer une eau qui étanchera définitivement la soif, l’Esprit Saint. Ce soulagement définitif va attirer la Samaritaine vers ce qu’elle souhaite au fond d’elle-même : être enfin soulagée de cette vie qu’elle a connue jusqu’à ce jour. Lorsqu’elle voit en Jésus un prophète, il va lui révéler qui il est, le Messie.
Mais Jésus va plus loin. Cette Eau-Vive dont Il est lui-même rempli, il veut faire en sorte que chacun de nous porte en lui la source de cette eau. Par le baptême d’eau et d’Esprit au nom de la Trinité, Dieu a creusé en nous la source même du salut. Pour cela, Jésus affirme que le vrai croyant n’adore ni sur le mont Garizim, ni dans le Temple de Jérusalem, car Dieu est Esprit, et ne peut être ni limité, ni contenu.
Saint Hilaire de Poitiers écrit au livre II de son Traité sur la Trinité au sujet du Saint Esprit :
« Par qui est-il ? Il est de Celui par qui tout existe, le Fils et de celui de qui tout vient, le Père. »
L’acquisition du Saint Esprit génère en chacun de nous la paix et la joie.
A notre Seigneur soit la Gloire
Amen
À l'époque du Christ, les rapports entre Juifs et Samaritains étaient tendus...
À l’époque du Christ, les rapports entre Juifs et Samaritains étaient tendus. Non seulement ils ne se fréquentaient pas, mais les Juifs considéraient que les objets, les animaux ou les récoltes qui traversaient la Samarie étaient impropres au culte. Comment expliquer une telle animosité entre deux communautés qui avaient pourtant une même origine ?
Il est communément admis que l'origine du conflit entre les Juifs et les Samaritains remonte à 722, lors de la prise du royaume du Nord et de sa capitale, Samarie, par les Assyriens. Ceux-ci firent venir dans cette région des colons étrangers. De leur mélange avec les Juifs qui étaient restés sur place naquit le peuple samaritain (2R 17,23). Descendants de ces étrangers qui avaient ajouté à leurs dieux traditionnels le culte de YHWH (= Le Seigneur), les Samaritains sont considérés comme des hérétiques par les autres Juifs.
Un temple sur le mont Garizim
Au fil de l’histoire, les relations rentre Juifs et Samaritains se sont détériorées progressivement. Ainsi, au retour de l’exil, vers 538 av. J.-C., des Samaritains s'opposeront violemment à la reconstruction des murailles de Jérusalem. Deux siècles plus tard, la construction d’un Temple sur le Mont Garizim consacrera le schisme avec Jérusalem. Et l'auteur du livre du Siracide écrira vers l'an 180 av. J.-C. : "Il y a deux nations que mon âme déteste, la troisième n'est pas une nation : les habitants de la montagne de Seïr, les Philistins, et le peuple stupide qui demeure à Sichem" (Si 50,25-26 ; Sichem est alors une grande ville située au pied du Garizim). Mais la rupture entre Juifs et Samaritains ne sera véritablement consommée que lorsque Jean Hyrcan, le roi de Jérusalem, s'attaquera à Sichem et détruira le Temple du Garizim (107 av. J.-C.).
En l’an 6 de notre ère, les Samaritains s’accorderont pourtant avec les Juifs pour envoyer des émissaires demander à l'empereur de Rome la destitution du roi Archelaüs, successeur d’Hérode le Grand. En 67, lors de la guerre juive, certains d’entre eux, aux dires de l’historien Flavius Josèphe, se rassembleront sur le mont Garizim, "dans la perspective d’une révolte". Le commandant de la cinquième légion en viendra à bout le 15 juillet 67 "et les tuera tous, au nombre de 11600" (La Guerre des Juifs, livre 3, lignes 307 à 315).
Attachés au Pentateuque
À l'époque du Christ, les Samaritains considéraient que seule la Torah (ou Pentateuque, c'est-à-dire les cinq premiers livres de la Bible) faisait autorité : venant de Moïse, elle était pour eux le seul texte normatif. Fidèles à la Loi de Moïse, les Samaritains pratiquaient la circoncision le huitième jour et observaient de manière scrupuleuse le shabbat. Ils célébraient les fêtes de pèlerinage sur le mont Garizim où ils immolaient les agneaux de la Pâque. Au IIIe siècle ap. J.-C., Origène note que les Samaritains niaient la résurrection des morts, une croyance qu’ils n’accueilleront qu’au IVe siècle. Ces divers aspects de la foi sont de nos jours encore portés et vécus par une poignée de croyants.
© Service Biblique Catholique Evangile et Vie. Pierre Debergé.
QUATRIÈME DIMANCHE DE PÂQUES
(TROISIÈME APRES PÂQUES)
DIMANCHE DU PARALYTIQUE DE BETHESDA
Le Christ ne passe jamais dans un lieu par hasard. St Jean nous explique comment cela se passait : de temps en temps, périodiquement, les eaux « bouillonnaient » parce qu’un ange de Dieu y descendait et le premier qui parvenait à se plonger dans cette eau vive était guéri « quelle que fût sa maladie ». C’était un lieu de guérisons miraculeuses, comme il y en avait un certain nombre dans l’Empire romain et dans le monde antique. Il est intéressant de noter que l’explication donnée par St Jean vient évidemment du Christ Lui-même. Le Seigneur nous révèle le travail angélique : les anges, serviteurs et messagers de Dieu, sont à l’œuvre constamment dans le monde. Comme leur Seigneur et Maître, la Divine Trinité, ils ne cessent pas d’œuvrer. Ici, en l’occurrence, leur action est thérapeutique. Le fait est intéressant aussi par rapport à la Pentecôte : de l’eau qui, en principe, est stagnante, puisqu’elle ne se trouve pas dans un fleuve, et qui se met à bouillonner subitement, est une eau agitée par de l’air, c’est-à-dire une eau vive. Ce sont deux symboles du Saint-Esprit, parce que l’air et l’eau sont insaisissables, comme l’Esprit, et qu’ils sont vitaux, comme l’Esprit qui donne la vie. C’est d’ailleurs l’expression même utilisée par le Christ pour annoncer l’Esprit-Saint lorsqu’il parle avec la Samaritaine4. L’Esprit est à l’œuvre dans la Maison de la miséricorde, c’est-à-dire dans l’Eglise. C’est Lui qui nous guérit de toutes nos maladies et infirmités.
Un autre aspect remarquable est le comportement du Seigneur, qui agit d’une façon souverainement libre, en dehors de toutes conventions et stéréotypes. Il se trouve, Lui le créateur de toutes choses, au milieu de cette foule de malades, qui représente l’humanité vouée à la mort. Et dans cette foule, Il a vu un homme. Cet homme est paralysé depuis 38 ans, ce qui est une véritable horreur. La paralysie réduit l’homme à une impuissance totale, à une dépendance complète : c’est une image forte de l’action des démons qui amoindrissent l’homme et le réduisent à rien. Le Christ a vu que cet homme ne pouvait pas, par lui-même, atteindre l’eau salutaire. Alors l’eau va venir jusqu’à lui, dans la personne du Christ. Chaque malade dans le monde peut se dire : peut-être Dieu passera-t-il sur mon chemin : Il me verra et Il aura compassion.
Mais le Seigneur nous donne un autre enseignement dans Son rapport avec ce malade, cette personne souffrante. Il lui dit cette parole étonnante : « veux-tu être guéri ? » Qu’on ne s’y méprenne pas : il ne s’agit pas d’une formule polie ou convenue. Tous les malades rassemblés autour de cette piscine désiraient être guéris. Mais la parole du Christ a une toute autre dimension. Elle est théologique : parole du Créateur à Sa créature, parole qui sort de la bouche du Verbe de Dieu. Tu as introduit librement dans le monde la maladie, la souffrance et la mort. Maintenant que tu as fait cette expérience terrible, veux-tu changer ? Veux-tu ressembler à ton Créateur ou continuer ta descente vers l’abîme ? Le Christ met l’homme devant sa responsabilité. La guérison n’est pas seulement un état de fait, une circonstance, elle suppose un changement complet de l’être, un retournement des valeurs. Beaucoup de gens voudraient bien être guéris, mais sans rien changer à leur vie, à leur comportement, à leur être. Dans ce cas, la guérison ne peut être que superficielle et de courte durée. D’ailleurs le Christ dira un peu plus tard à l’homme guéri : « Ne pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de pire ».
Le Paralytique explique l’impossibilité dans laquelle il se trouve. Le Seigneur a compassion et Il le guérit aussitôt. Ce n’est plus seulement l’image symbolique du Saint Esprit qu’est l’eau mise en mouvement par l’ange qui guérit le paralytique, mais c’est le Saint-Esprit Lui-même par la personne du Christ, le Saint-Esprit qui remplit et sanctifie la nature humaine de Jésus. En un clin d’œil ce malade a reçu plus que tous les malades guéris à Béthesda depuis les origines : la guérison extérieure et intérieure, donnée par Dieu Lui-même et non par le ministère d’un ange. (extrait d'une homélie du Père Noël Tanazacq)
TROISIÈME DIMANCHE DE PÂQUES
(DEUXIÈME APRES PÂQUES)
DIMANCHE DES MYRROPHORES ET DU JUSTE JOSEPH D’ARIMATHIE
Très chers Pères, frères et sœurs,
Christ est ressuscité !
Nous continuons notre marche vers la Pentecôte. On peut noter que le dimanche de Thomas et celui-ci sont un prolongement de la Pâque, de ses conséquences, alors que les trois qui suivront (du Paralytique, de la Samaritaine et de l’Aveugle de naissance) préparent à la Pentecôte.
Les quatre Évangélistes citent le personnage de Joseph d’Arimathie :
La traduction utilisée ici est celle du chanoine Augustin Crampon, Desclée et Cie, 1923.
· 42. Le soir étant déjà venu, comme c'était Préparation, c'est-à-dire veille du sabbat,
· 43. vint Joseph d'Arimathie, membre honoré du grand conseil, qui attendait, lui aussi, le royaume de Dieu. Il alla hardiment auprès de Pilate pour demander le corps de Jésus.
· 44. Mais Pilate s'étonna qu'il fût déjà mort, fit venir le centurion, et lui demanda s'il y avait longtemps qu'il était mort.
· 45. Renseigné par le centurion, il accorda le cadavre à Joseph.
· 46. Ayant acheté un linceul, il le descendit, l'enveloppa dans le linceul, le déposa dans un sépulcre qui avait été taillé dans le roc, et il roula une pierre à l'entrée du sépulcre.
· 47. Or Marie la Magdaléenne et Marie, mère de José, observaient où il était déposé.
· 57. Le soir venu, vint un homme riche d'Arimathie, nommé Joseph, qui lui aussi était devenu disciple de Jésus.
· 58. Il alla trouver Pilate pour lui demander le corps de Jésus ; Pilate alors ordonna qu'on le lui remît.
· 59. Joseph prit le corps, l'enveloppa d'un linceul blanc,
· 60. et le déposa dans son sépulcre neuf, qu'il avait fait tailler dans le roc ; puis, ayant roulé une grosse pierre à l'entrée du sépulcre, il s'en alla.
· 61. Or Marie la Magdaléenne et l'autre Marie étaient là, assises en face du tombeau.
· 50. Et alors un homme, nommé Joseph, qui était membre du conseil, homme bon et juste,
· 51. — il n'avait pas donné son assentiment à leur résolution ni à leur acte —, d'Arimathie, ville juive, qui attendait le royaume de Dieu,
· 52. cet (homme) alla trouver Pilate pour lui demander le corps de Jésus ;
· 53. il le descendit, l'enveloppa d'un linceul, et le déposa dans un sépulcre taillé dans le roc, où personne n'avait encore été mis.
· 54. C'était le jour de Préparation, et le sabbat commençait.
· 55. Ayant suivi (Joseph), les femmes qui étaient venues de la Galilée avec (Jésus) considérèrent le sépulcre et comment son corps (y) avait été déposé.
· 56. S'en étant retournées, elles préparèrent des aromates et des parfums ; et, pendant le sabbat, elles demeurèrent en repos, selon le précepte.
· 38. Après cela, Joseph d'Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret par crainte des Juifs, demanda à Pilate d'enlever le corps de Jésus, et Pilate le permit. Il vint donc et enleva son corps.
· 39. Nicodème, qui précédemment était venu vers lui de nuit, vint aussi, apportant un mélange de myrrhe et d'aloès, environ cent livres.
· 40. Ils prirent donc le corps de Jésus et l'entourèrent de bandelettes avec les aromates, selon la manière d'ensevelir en usage chez les Juifs.
· 41. Or, au lieu où il avait été crucifié, il y avait un jardin, et dans le jardin un sépulcre neuf, où personne n'avait encore été mis.
· 42. C'est là, à raison de la Préparation des Juifs, le sépulcre étant proche, qu'ils mirent Jésus.
Les heures monastiques marquent le temps qui est présenté ici. A Sexte (midi, soit la 6ème heure du jour) le Christ est crucifié, et Il meurt sur la Croix à la 9ème heure du jour qui correspond à None (15h aujourd’hui). C’est donc après trois heures d’agonie que le Christ meurt, et il reste donc trois heures pour aller demander le corps du Seigneur, le descendre de la Croix, l’embaumer a minima et le déposer dans le tombeau de Joseph. En effet, le sabbat commence vers 18h d’aujourd’hui, et nul ne pourra plus accomplir un travail après cette heure. Cette mission que va accomplir Joseph d’Arimathie est restée magistrale dans l’esprit de tous les croyants, car ainsi « aucun de ses os ne fut brisé » et Jésus reçoit une sépulture.
Le noble Joseph descendit de la Croix ton Corps très pur, l'enveloppa d'un linceul immaculé, et le déposa, couvert d'aromates, dans un sépulcre neuf.
Nous savons par Saint Jean que c’est Nicodème qui apporta les aromates.
Le personnage de Joseph d’Arimathie reste cependant mystérieux. Certains auteurs pensent qu’il s’agirait de Joseph, époux de Marie. D’autres en font le personnage central de la légende du Graal, Joseph d’Arimathie ayant conservé le calice ayant servi à la Cène, ou encore ayant récupéré dans ce calice un peu du sang du côté du Seigneur transpercé par la lance. Il serait ensuite parti pour la Grande Bretagne dans la région de Glastonbury, donnant ainsi naissance au cycle du Roi Arthur et des Chevaliers de la Table Ronde…
Revenons aux Evangiles. Le Christ, selon le décompte de l’époque, meurt à la sixième heure. Or Adam fut créé le sixième jour, et c’est « à la brise du soir » que Dieu va constater la désobéissance d’Adam, là aussi à la sixième heure. On trouve cette prière dans l’heure de Sexte :
« Toi qui le sixième jour, à la sixième heure a cloué sur la Croix le péché qu’Adam avait commis, déchire aussi la liste de nos fautes Ô Christ Dieu et sauve nous. »
On peut aussi ajouter que le Christ est mort d’asphyxie (cause principale d’une mort sur une croix) car nos pères ont refusé le souffle de l’Esprit.
Le Christ est mort comme un malfaiteur, entre deux malfaiteurs, mais Il est ensevelit comme un Grand Prêtre, qu’Il est.
Ce dimanche met en relief trois femmes, les myrrophores, les trois Maries. Il y a donc :
- Marie de Magdala, celle dont Jésus chassa les démons et qui versa du parfum sur sa tête et ses pieds ;
- Marie Jacobé, mère de Jacques le Mineur et de Josi ;
- Marie Salomé, Mère de Jacques le Majeur et de Jean (les fils de Zébédé) ;
On peut faire ici une parenthèse concernant les Jacques de l’Evangile, qui en fait sont au nombre de cinq.
Jacques se dit en hébreu Iakobou, Judas, Ïouda et Jude, Ïehod. En grec, Jacques se dit Iakobos, alors que Jude et Judas se disent indistinctement Ioudas. Tous ces noms sont des dérivés de Jacob, mais nous pouvons clairement distinguer Jacques de Jude ou de Judas. Il y a, effectivement cinq Jacques dans le Nouveau Testament : Jacques, le fils de Zébédée (dont nous parlent souvent les Évangiles) appelé par la tradition Jacques le Majeur; Jacques le Mineur (Mc 15,40); Jacques le fils d'Alphée (Mt 10,3); Jacques le « frère du Seigneur » (Ga 1,19) et Jacques (le père, le fils ou le frère) de l'un des Douze appelé Judas (Lc 6,16; Ac 1,13). (interbible.org, de Yolande Gérard, bibliste)
Alors ces femmes vont faire trois choses remarquables, honneur de l’humanité.
- respecter le sabbat, malgré (ou à cause) de leur amour pour Jésus et leur volonté de rendre hommage à son corps ;
- partir (rappelez-vous, Dieu demande toujours de partir,…. Par exemple pour Abraham, les prophètes,…) et de risquer de tomber sur la soldatesque ;
- être confiantes – qui nous roulera la pierre ? – et venir visiter un mort ;
Elles accomplissent un acte gratuit d’amour, et sont les Apôtres des Apôtres. Marie signifie « amante de la lumière ».
Saint Grégoire Palamas dans une homélie jointe démontre que « l’autre Marie » qui apparaît dans les Evangiles est en fait Marie, la Mère du Seigneur et que c’est à elle seule que fut révélée en premier la résurrection de Son Fils.
Deuxième Dimanche de Pâques
Dimanche de Thomas
Christ est ressuscité !
La semaine Lumineuse est comme un seul jour, le huitième jour qui est introduit par la résurrection du Christ, jour de la lumière permanente, figuration du Royaume.
Nous allons donc cheminer vers la Pentecôte et y recevoir l’Esprit. Le Christ a dit à ses disciples :
Jean 16
7. -Cependant je vous dis la vérité : c'est votre intérêt que je parte ; car si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais si je pars, je vous l'enverrai.
Et ceci est a rapprocher de ce cri de Jésus sur la Croix :
Luc 23
46. -et, jetant un grand cri, Jésus dit : « Père, en tes mains je remets mon esprit. » Ayant dit cela, il expira.
Désormais, l’Esprit vient de la part du Père, par le Fils.
Revenons à la nuit de Pâques, et à l’Evangile selon Saint Marc que nous lisons à la porte de l’église :
Marc 16
5. -Étant entrées dans le tombeau, elles virent un jeune homme assis à droite, vêtu d'une robe blanche, et elles furent saisies de stupeur.
6. -Mais il leur dit : « Ne vous effrayez pas. C'est Jésus le Nazaréen que vous cherchez, le Crucifié : il est ressuscité, il n'est pas ici. Voici le lieu où on l'avait mis.
7. -Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu'il vous précède en Galilée : c'est là que vous le verrez, comme il vous l'a dit. »
8. -Elles sortirent et s'enfuirent du tombeau, parce qu'elles étaient toutes tremblantes et hors d'elles-mêmes. Et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur.
La peur semble dominer chez ces femmes qui suivirent fidèlement Jésus tout au long de sa vie. C’est l’Apôtre Saint Jean qui à travers toutes ces femmes (Marie d’abord, puis la Samaritaine, Marthe, l’autre Marie, …) va délivrer un message aux premières communautés chrétiennes qui, déjà, rédigeaient des règles contraignantes pour les femmes. Saint Jean, en écrivant sur Marthe dira qu’elle « fait le service » lors de l’onction à Béthanie et il utilisera le terme DIAKONEIM, qui sera à l’origine du diaconat, donc du service. Pour Saint Jean, les premiers diacres sont ces femmes.
Saint Jean ensuite parle de Marthe qui retourne seule au Tombeau :
Jean 20
11. -Marie se tenait près du tombeau, au-dehors, tout en pleurs. Or, tout en pleurant, elle se pencha vers l'intérieur du tombeau
12. -et elle voit deux anges, en vêtements blancs, assis là où avait reposé le corps de Jésus, l'un à la tête et l'autre aux pieds.
Cette présence des deux anges rappelle les chérubins sculptés sur l’Arche d’Alliance et que nous symbolisons par la présence des ripida de part et d’autre de l’autel.
Saint Matthieu parle d’un ange assis sur la pierre, image de l’autorité qui a été conférée à Pierre (« Tu es Pierre… »)
Pour revenir à Saint Jean, dont l’Evangile est hautement symbolique, Marie ne sait pas où on a mis le corps de Jésus. Mais à Cana, le maître de maison ne sait pas d’où vient le vin ; la Samaritaine ne sais pas le don de Dieu. De même, les disciples demandent à Jésus au début de sa mission « où demeures-tu » et plus tard « nous ne savons pas où tu vas ». Ceci pour faire remarquer que dans son incarnation, le Christ garde une maîtrise absolue du temps et de l’espace, bien qu’il s’y soumette. Et une fois ressuscité, Il se fait reconnaître selon sa volonté : par la parole, la voix, Lui qui est le Verbe fait chair.
Et Jésus se présente le soir auprès de ses disciples, et Saint Jean utilise les mots qui signifient « Il se rend visible ». Alors Jésus souffle sur ses disciples en leur confiant la mission qui va les envoyer dans le monde, et le pouvoir de lier ou délier les péchés. Saint Jean pour le mot souffle utilise le mot EMPHYSÂN, utilisé seulement deux autres fois dans l’Ecriture : quand Dieu « souffle » l’esprit de vie dans les narines d’Adam, et dans Ezéchiel, lu le vendredi saint, quand les ossements sont rendus à la vie par le souffle de l’Esprit.
Saint Jean, qui reposait sur la poitrine du Verbe, reçoit les profondeurs de la Théologie, lui le disciple de la vue, de la vision de l’aigle, qui voit avec fulgurance au-delà du matériel. Saint Thomas, c’est le toucher, ce que l’on résume dans l’Eglise par l’économie. Thomas doit se convaincre humainement pour croire. C’est un croyant. Mais il nous faut aller vers Saint Jean qui lui nous mène vers la foi véritable.
Pour en revenir à l’Evangile du dimanche de Thomas, ce dernier peut « toucher » littéralement du doigt la réalité de la résurrection. Mais pourquoi ce corps garde-t-il les signes de la Passion ? Certainement pas pour réclamer vengeance, celui qui sur la Croix a demandé le pardon du Père pour ses bourreaux. Non, mais pour que nous nous souvenions :
- quand nous voyons les épines percer Sa tête, demandons que nos pensées soient purifiées ;
- quand sa bouche garde le goût du vinaigre et du fiel, demandons que nos paroles soient purifiées et parler avec amour et douceur à nos frères et sœurs ;
- quand nous voyons ses mains percées par les clous, pensons à ne pas élever nos mains en des actes inconvenants, impurs ;
- quand nous voyons ses pieds percés, pensons à ne pas diriger nos pas vers des lieux contraires à notre foi ;
- enfin, quand nous voyons son côté ouvert jusqu’au cœur, pensons sans cesse à cette eau qui s’en est écoulée pour notre baptême, à ce sang qui est celui de notre sainte communion à Lui pour la vie éternelle et la rémission de nos péchés.
Pensons donc à Eve, issue du côté d’Adam, et à l’Eglise, issue du côté du Christ, et nous rappelant de confesser le foi orthodoxe en Jésus-Christ ressuscité.
Amen
Monseigneur JEAN, Métropolite de Doubna,
Archevêque des églises orthodoxes de Tradition Russe en Europe Occidentale
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