SUR LA PROPHETIE D'EZECHIEL

Le Grand Vendredi, aux matines, après la grande doxologie et la procession avec l’Epitaphion, a lieu la lecture psalmodiée de la prophétie d’Ezéchiel (37,1-14) dite « des os desséchés ». Qui est Ezéchiel et quel est son message ?

« Dieu rend fort » est le sens du nom Ezéchiel. Il appartient au milieu sacerdotal de son temps, et fils du prêtre Bouzi. Il a été déporté à « Tel-Aviv au bord du fleuve Kebar » près de Babylone en 592. Il est plus jeune que Jérémie mais proche de sa pensée. Il manifeste un goût prononcé pour les institutions religieuses. C’est un homme d’une très grande sensibilité.

Ezéchiel va délivrer un message complexe, dévoilant dans ses visions la Gloire divine, la malédiction sur le peuple de Dieu qui est châtié pour son impiété, mais aussi l’avènement du temple futur. Il faut souligné ici qu’Ezéchiel a annoncé la religion de l’avenir, de l’alliance perpétuelle assurée par la présence sans fin de Yhwh au milieu du peuple. « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde « (Mat.28,20) seront les paroles de Jésus après sa résurrection.

Il n’est pas ici question d’étudier l’ensemble du texte d’Ezéchiel mais les deux premiers chapitres avec la célèbre vision.

Nous voyons ici la vision du char divin, au même titre que nous voyons Isïe contempler la Gloire du Seigneur et les Séraphimns se répondre l’un à l’autre « Saint, Saint, Saint est le Seigneur des armées ». Comme chez Isaïe, la vision est située dans un temps et un cadre précis. (Voir I ,1-3)

« Le ciel s’ouvrit » : nous connaissons cette ouverture des Cieux, par exemple chez Saint Matthieu, Marc et Luc à la Théophanie ; « les cieux s’ouvrirent », ou chez Saint Jean, à Nathanaël : « Amen, amen, je vous le dis vous verrez le Ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l’Homme » (Jean I,51)

De même Etienne lors de sa lapidation (« Je vois les Cieux ouverts et le Fils de l’Homme à la droite de Dieu ») ainsi que chez Saint Jean dans l’Apocalypse.

Ezéchiel voit donc le Ciel ouvert et la main du Seigneur sur lui.

La vision contient trois plans : les quatre Vivants, au dessous les roues, au dessus « un aspect d’homme sur le Trône ». On comprend que les roues suivent les Vivants dans leurs mouvements, et que la plate-forme au dessus des ailes des Vivants délimite un autre plan avec le Trône de Celui qui y règne. Ezéchiel est submergé par cette vision et il tente de décrire ce qui est d’un autre monde, aussi utilise-t-il des termes comme « forme », « aspect ». Il est sur un plan au-delà du temps et de l’espace. Ces quatre Vivants ont quatre faces comme une face d’homme, une de lion, une de taureau et une d’aigle. On retrouve là les quatre Vivants de l’Apocalypse ainsi que le Trône qui les domine. On pense aussi au Seigneur assis sur un Trône élevé avec les Séraphims chez Isaïe. Au centre des quatre Vivants il y a un feu, traduit par vermeil (hashmal en hébreux, êlektron en grec et electrum en latin, qui désigne un mélange d’or et d’argent très lumineux).

Le chiffre 4 est souvent utilisé dans les Ecritures : les 4 fleuves qui sortent de l’Eden (Pishon, Guihon, Trigre et Euphrate), analogie avec les quatre Vivants et les quatre Évangiles. Ces quatre vivants se retrouvent tantôt sur les Portes Saintes, sur le tympan de la coupole ou figure le Pantocrator. Nous savons (et toute iconographie le montre), que l’homme est analogue à Matthieu, le lion à Marc, le Taureau à Luc et l’aigle à Jean. Cette symbolique peut s’expliquer par le fait que l’Evangile de Saint Matthieu nous montre le Fils de l’Homme, celui de Saint Marc car le Christ y est montré Roi, celui de Saint Luc insiste sur le sacrifice du Christ et Saint Jean par son élévation spirituelle et théologique.

 

Faut-il insister sur les quatre éléments (feu, terre, air, eau) les quatre saisons, les quatre points cardinaux et pour la science actuelle, les quatre forces fondamentales de l’univers (gravité, nucléaire faible et forte, électromagnétique). Le quatre se décline avec le nombre quarante : les quarante jours de Moïse au Sinaï, les quarante années de route au désert du peuple élu vers la terre promise, les quarante jours de marche d’Elie vers le Carmel, les quarante jours de pénitence à Ninive, et les quarante jours du Christ au désert. Mais le quatre s’inscrit aussi dans la Croix du Christ. Signe de l’harmonie du monde, rayonnant du centre vers les quatre directions, mais signe d’opprobre également. Mais la Croix est le signe du dépouillement ineffable du Créateur et source vivifiante et victorieuse, manifestation créatrice et rédemptrice. Le carré est une figure fermée, la croix, ouverte. Dans la contemplation des quatre vivants, on aperçoit la Croix.

Revenons à la contemplation d’Ezéchiel. Les Vivants sont en fait vivifiés par le Saint Esprit, en intimité avec Dieu et ainsi débordant de vie, vie qui vient du Christ qui dit Lui-même « Je suis le chemin (car Fils de l’Homme), la vérité (car Dieu incarné) et la vie (car pleinement Dieu). Les roues sont impossible à représenter. Elles sont à la fois animées et fixe, chargées d’yeux. Elles représentent le monde structurel, le mystère du monde angélique et comme le disait un moine du Mont Athos, gratifié de cette vision, le monde angélique est animé de bruit, de feu et avec « comme des machines ».

Au dessus de la plate-forme sont les réalités transcendantales.  Revenons au bruit : bruit des ailes, bruit des grandes eaux… Ce bruit en hébreux se dit gôl, bruit ou parole. Si on prend le récit de la Création dans le texte, lorsque « Dieu dit » on devrait lire « Dieu crie ». C’est un bruit-parole, et cette parole est puissance et celui qui en est la source est El Shaddaï.

Ainsi Ezéchiel a eu la vision de la Glore de Dieu, et cette Gloire en hébreux est désignée par Kabad ou Kabed, qui a plusieurs sens, mais signifie globalement être lourd, au sens de remplir tout, ne laissant rien de vide. La physique moderne nous dit que la matière est vide. Mais la Gloire de Dieu inonde tout et lors de la résurrection finale, lorsque « Je ferai toutes choses nouvelles », ce vide sera remplit de l’Esprit Saint.

Pour clore cette brève approche des deux premiers chapitres d’Ezéchiel, il faut dire un mot de la liturgie, ici la

liturgie céleste.

Notez qu’Ezéchiel est invité à manger un livre : « Ouvre la bouche et mange ce que je te donne » (2,8) « Fils d’Homme, mange ce rouleau et va parler à la Maison d’Israël, et il faut dans ma bouche doux comme le miel » (3,1). On retrouve ces termes chez Jérémie (1,9), Isaïe (51,16) et Deutéronome (8,18) « J’ai mis mes paroles dans ta bouche » ainsi que dans l’Apocalypse (10,9)

« Je m'en fus alors prier l'Ange de me donner le petit livre ; et lui me dit : « Tiens, mange-le ; il te remplira les entrailles d'amertume, mais en ta bouche il aura la douceur du miel. »

Toutes ces situations amènent le prophète à prophétiser, à apporter la parole de Dieu. Cette Parole est douceur car divine, mais amer car elle exprime la colère de Dieu envers son peuple.

Avec la venue de la Parole au milieu de nous, le Christ, vrai Dieu et vrai Homme, Il a été vu et entendu et les paroles de vie sont à ce jour consignées dans l’Evangile. Nous méditons l’Evangile en les « mangeant », et comme un aliment, pour en tirer ce qui nous fait vivre. De même, nous ne mangeons plus le Livre ou le Rouleau, mais la Parole elle-même dans les espèces du Pain et du Vin.

Lorsque nous, les prêtres, pénétrons dans le Sanctuaire pour accomplir le sacrifice non sanglant, nous sommes (en tout cas nous devrions…) comme ces prophètes devant la Gloire de Dieu et nous célébrons avec les puissances angéliques.

« Nous qui dans ce Mystère représentons les chérubins », prière du prêtre avant la Grande Entrée, montre le redoutable mystère. Car les chérubins de l’Ancien Testament servent le Trône de Gloire et le soutiennent. Mais nous, nous introduisons Celui qui est sur ce Trône de Gloire, non seulement sur l’autel, mais dans nos cœurs. A la liturgie des Saints Dons Présanctifiés, nous chantons :

« Maintenant les puissances des Cieux célèbrent invisiblement avec nous, car voici que s’avance le Roi de Gloire. Voici que s’avance avec son escorte le sacrifice déjà accompli. Approchons avec foi et amour afin de devenir participant de la vie éternelle ».

 

A suivre

Ézéchiel 1 

1. La trentième année, au quatrième mois, le cinq du mois, alors que je me trouvais parmi les déportés au bord du fleuve Kebar, le ciel s'ouvrit et je fus témoin de visions divines.

2. Le cinq du mois - c'était la cinquième année d'exil du roi Joiakîn -

3. la parole de Yahvé fut adressée au prêtre Ézéchiel, fils de Buzi, au pays des Chaldéens, au bord du fleuve Kebar. C'est là que la main de Yahvé fut sur lui.

4. Je regardai : c'était un vent de tempête soufflant du nord, un gros nuage, un feu jaillissant, avec une lueur autour, et au centre comme l'éclat du vermeil au milieu du feu.

5. Au centre, je discernai quelque chose qui ressemblait à quatre animaux dont voici l'aspect : ils avaient une forme humaine.

6. Ils avaient chacun quatre faces et chacun quatre ailes.

7. Leurs jambes étaient droites et leurs sabots étaient comme des sabots de bœuf, étincelants comme l'éclat de l'airain poli.

8. Sous leurs ailes, il y avait des mains humaines tournées vers les quatre directions, de même que leurs faces et leurs ailes à eux quatre.

9. Leurs ailes étaient jointes l'une à l'autre; ils ne se tournaient pas en marchant : ils allaient chacun devant soi.

10. Quant à la forme de leurs faces, ils avaient une face d'homme, et tous les quatre avaient une face de lion à droite, et tous les quatre avaient une face de taureau à gauche, et tous les quatre avaient une face d'aigle.

11. Leurs ailes étaient déployées vers le haut; chacun avait deux ailes se joignant et deux ailes lui couvrant le corps;

12. et ils allaient chacun devant soi; ils allaient là où l'esprit les poussait, ils ne se tournaient pas en marchant.

13. Au milieu des animaux, il y avait quelque chose comme des charbons ardents ayant l'aspect de torches, allant et venant entre les animaux; le feu jetait une lueur, et du feu sortaient des éclairs.

14. Les animaux allaient et venaient, semblables à l'éclair.

15. Je regardai les animaux; et voici qu'il y avait une roue à terre, à côté des animaux aux quatre faces.

16. L'aspect de ces roues et leur structure avait l'éclat de la chrysolite. Toutes les quatre avaient même forme; quant à leur aspect et leur structure : c'était comme si une roue se trouvait au milieu de l'autre.

17. Elles avançaient dans les quatre directions et ne se tournaient pas en marchant.

18. Leur circonférence était de grande taille et effrayante, et leur circonférence, à toutes les quatre, était pleine de reflets tout autour.

19. Lorsque les animaux avançaient, les roues avançaient à côté d'eux, et lorsque les animaux s'élevaient de terre, les roues s'élevaient.

20. Là où l'esprit les poussait, les roues allaient, et elles s'élevaient également, car l'esprit de l'animal était dans les roues.

21. Quand ils avançaient, elles avançaient, quand ils s'arrêtaient, elles s'arrêtaient, et quand ils s'élevaient de terre, les roues s'élevaient également, car l'esprit de l'animal était dans les roues.

22. Il y avait sur les têtes de l'animal quelque chose qui ressemblait à une voûte, éclatante comme le cristal, tendue sur leurs têtes, au-dessus,

23. et sous la voûte, leurs ailes étaient dressées l'une vers l'autre; chacun en avait deux lui couvrant le corps.

24. Et j'entendis le bruit de leurs ailes, comme un bruit d'eaux abondantes, comme la voix de Shaddaï; lorsqu'ils marchaient, c'était un bruit de tempête, comme un bruit de camp; lorsqu'ils s'arrêtaient, ils repliaient leurs ailes.

25. Et il se produisit un bruit.

26. Au-dessus de la voûte qui était sur leurs têtes, il y avait quelque chose qui avait l'aspect d'une pierre de saphir en forme de trône, et sur cette forme de trône, dessus, tout en haut, un être ayant apparence humaine.

27. Et je vis comme l'éclat du vermeil, quelque chose comme du feu près de lui, tout autour, depuis ce qui paraissait être ses reins et au-dessus; et depuis ce qui paraissait être ses reins et au-dessous, je vis quelque chose comme du feu et une lueur tout autour;

 

28. l'aspect de cette lueur, tout autour, était comme l'aspect de l'arc qui apparaît dans les nuages, les jours de pluie. C'était quelque chose qui ressemblait à la gloire de Yahvé. Je regardai, et je tombai la face contre terre; et j'entendis la voix de quelqu'un qui me parlait.

Ézéchiel 2 

1. Il me dit : « Fils d'homme, tiens-toi debout, je vais te parler. »

2. L'esprit entra en moi comme il m'avait été dit, il me fit tenir debout et j'entendis celui qui me parlait.

3. Il me dit : « Fils d'homme, je t'envoie vers les Israélites, vers les rebelles qui se sont rebellés contre moi. Eux et leurs pères se sont révoltés contre moi jusqu'à ce jour.

4. Les fils ont la tête dure et le cœur obstiné; je t'envoie vers eux pour leur dire : «Ainsi parle le Seigneur Yahvé. »

5. Qu'ils écoutent ou qu'ils n'écoutent pas, c'est une engeance de rebelles, ils sauront qu'il y a un prophète parmi eux.

6. Pour toi, fils d'homme, n'aie pas peur d'eux, n'aie pas peur de leurs paroles s'ils te contredisent et te méprisent et si tu es assis sur des scorpions. N'aie pas peur de leurs paroles, ne crains pas leurs regards, car c'est une engeance de rebelles.

7. Tu leur porteras mes paroles, qu'ils écoutent ou qu'ils n'écoutent pas, car c'est une engeance de rebelles.

8. Et toi, fils d'homme, écoute ce que je vais te dire, ne sois pas rebelle comme cette engeance de rebelles. Ouvre la bouche et mange ce que je vais te donner. »

9. Je regardai, et voici qu'une main était tendue vers moi, tenant un volume roulé.

 

10. Il le déploya devant moi : il était écrit au recto et au verso; il y était écrit : « Lamentations, gémissements et plaintes. »